Ce billet a été initialement publié le 11 Août 2019 dans le HuffPost.
Vivre hors du temps, hors des lois, bienvenue à Bombay Beach et Slab City, deux ‘Radical Cities’ Made In Californie !
Vous souhaitez varier votre road trip, loin des touristes et des sentiers battus. Accrochez-vous, tracez dans le désert depuis Los Angeles vers Salton Sea pour en prendre plein les yeux et découvrir ce que vous ne verrez nulle part ailleurs ! Voici un Road Trip hors des normes et des valeurs américaines, au cœur des RADICAL Cities. C’est dans le désert de Sonora, autour de Niland Ca., que se trouve la zone la plus chaude, sèche, aride et la plus basse de Californie avec ses 68 mètres au-dessous de la mer. C’est là où personne ne va, seulement des excentriques illuminés, mais pas que… Des aventuriers de l’extrême viennent vivre ou visiter deux villes fantômes pour y ‘SUR’vivre. – humm… ca donne envie n’est-ce pas ?!
Villes et vies radicales !
{Définition} : Radical,e adj. Qui présente un caractère absolu, total ou définitif
Ici, on ne suit pas les lois américaines et on fuit les normes de la société ! On ne paie pas de loyer, on s’installe, on squatte toute l’année ou pour une saison. Pas d’eau courante, ni d’électricité, on apprend à vivre dans le désert en suivant l’unique loi tolérée ici, celle de l’autonomie ! Vivre en liberté radicale signifie aussi, vivre tel que l’on est, avec sa ‘radical self-expression’ et son ‘radical wild style’. Excentriques, hippies, sdf, américains ayant fait banqueroute, citoyens souhaitant vivre hors du système ou encore les ‘Snowbirds’ – ces retraités en recherche d’aventure ou de chaleur douce pendant l’hiver… Ils sont plus ou moins nombreux et vivent en communauté pour un temps. Tous viennent y chercher la liberté totale et ce petit monde s’organise bien, dans le respect des uns des autres. Tout n’est pas rose, les conditions sont rudes et certains n’ont pas d’autre choix que de vivre ici plutôt que d’être résidents dans un centre social pour sdf en ville. Ici, on survit ou pas… Pourtant, malgré la pauvreté que l’on ressent fortement en tant que visiteur, on s’y sent bien et en sécurité. Ce ‘radical life style’ autorise toutes les singularités ou extravagances. Chacun s’exprime librement comme il le souhaite et sans jugement.
Grâce à Benoît, un ami proche français dont l’âme est ancrée en Californie tout comme moi, j’ai découvert Bombay Beach et Slab City ! Arrêt obligatoire, à condition d’avoir le cœur bien accroché si vous voyagez en plein été – Les températures peuvent atteindre les 50°C. J’en profite pour donner l’indispensable message de prévention : être autonome ! Gasoil, eau et crème solaire seront vos meilleurs amis ! Oui oui !
Sexy Bombay Beach !
Cette ancienne luxueuse station balnéaire de Salton Sea a connu son heure de gloire dans les années 50. Située en plein désert, Salton Sea est une mer artificielle issue d’une catastrophe écologique. Au début du siècle, le Colorado a connu d’énormes crues et des travaux d’irrigation ont été entrepris pour apporter l’eau dans la plaine de Salton, une immense étendue – ancienne mer au temps des dinosaures et même avant ! Quelques années plus tard, une nouvelle crue plus abondante s’est produite pendant plusieurs mois, noyant ainsi la plaine, ses fermes et habitations sur 1000 km2 et créa ainsi une mer intérieure artificielle. Devenant le plus grand lac de Californie, sa superficie change en fonction de son alimentation en eau. Salton Sea nourrit ainsi les exploitations agricoles via des canaux et tout un écosystème marin se développe dès les années 1920. Ainsi, Bombay Beach se développe, pour devenir en 1950, une des plus célèbres stations balnéaires de Californie. Cette plage était à l’époque un paysage de carte postale, un paradis pour les touristes, toujours présenté ainsi sur l’affichage publicitaire du lieu. Des 4×3 mètres plus ou moins d’époque (revisité à l’occasion de la biennale organisée ici en avril 2019 !) que l’on observe avec un sentiment ironique. Plage de sable fin et myriades d’oiseaux migrateurs…
Puis la nature reprend ses droits, le climat aride fait s’évaporer l’eau au fil des années, les prélèvements pour l’agriculture affaiblissent le lac et celui-ci se charge des eaux de ruissellement constituées d’engrais et de pesticides… Suite à l’évaporation, Salton Sea devient un lac pollué, toxique et gorgé de sel déposé par une ancienne mer disparue depuis des millénaires. Plus aucune vie aquatique n’existe. Les riches investisseurs ont fui Bombay Beach il y a 30 ans et ils ont laissé derrière eux la station en état…
Aujourd’hui, Bombay Beach est resté dans son jus. Après de multiples pillages (notamment du cuivre), il ne reste qu’une ville fantôme, une ville morte aux constructions abandonnées, effondrées, des caravanes démantelées, détériorées, des voitures brisées et corrodées. Un paysage post-apocalyptique qui inspire de nombreux réalisateurs de films de ZOMBIES ! (Tu m’étonnes !) Mais wahouuuuu !!! Quelle découverte ! Si vous voulez voir à quoi ressemble la fin du monde, c’est bien par ici qu’il faut passer ! Malgré tout ça, Bombay Beach compte 200 habitants (pendant la haute saison, l’hiver !). Mais son dernier recensement date de 2010… Le 26 juillet 2019, nous y avons croisé 5 personnes au plus !
Au cœur de cette station balnéaire délabrée, un bar semble fermé, il est pourtant bien en activité… Le Ski INN Bar, fier de nous indiquer qu’il s’agit du bistrot le plus bas de l’hémisphère Ouest ! On y déguste une excellente spécialité du chef cuisto mexicain, un accueil très sympa et une déco exceptionnelle ! Pas un cm2 des murs n’est sans être recouvert de billets d’un dollar ! A priori, c’est la tradition depuis toujours ! En voilà un qui n’a pas tout perdu suite à la crise qu’a pu connaître la station !
La magie de cet endroit est qu’aujourd’hui, de nombreux artistes, makers, tous inspirés par les épaves et la ruine apocalyptique du lieu, y apportent une seconde vie. Cet espace à la fois fantasque et glauque représente un terrain de jeu infini pour les artistes fans de Big Art. Un territoire oublié en pleine renaissance, un lieu où la créativité et l’espace n’ont véritablement aucune limite ! On y trouve une dizaine d’installations d’art permanentes que la Biennale et d’autres groupes d’art progressistes ont abandonnées, ou pas… Depuis 2011, ce nouvel essor efface doucement l’empreinte ‘ZombieLand’ pour laisser place à un accueil plus chaleureux d’art du désert. Expérimentations, spectacles, performances, Bombay Beach est une exposition à ciel ouvert, une toile blanche et poussiéreuse prête à être façonnée par la liberté d’expression d’une communauté d’artistes ! Welcome back touristes !
Radical Slab City !
30 minutes plus tard, même contexte, sauf que cette fois, c’est une ancienne base militaire de la seconde guerre mondiale qui est investie de ses lieux. Il n’y reste que des blocs de bétons, appelés ‘slab‘ en anglais. Welcome to Slab City ! Depuis 60 ans, des marginaux ont développé une mini-ville de 200 permanents qui est aujourd’hui de plus en plus portée par l’art du désert également. Il y est facile de vivre en toute simplicité et très difficile à la fois, à moins d’être bien préparé et organisé face aux conditions radicales que le désert impose. Pas une rue, pas une boutique ! Ce squat ressemble à un campement étalé sur quelques kilomètres carrés à peine. Slab City est le seul lieu totalement libre aux Etats-Unis. Même la police n’intervient pas ici. Malgré que la population ne soit constituée essentiellement d’anarchistes, de sdfs, de ‘Snowbirds’ saisonniers, ce lieu est aujourd’hui populaire grâce à une oeuvre exceptionnelle devenue une véritable attraction : Salvation Mountain – ‘La montagne du Salut’ en français.
C’est l’oeuvre de Leonard Knight, un tableau dédiée à l’amour. Une colline recouverte de centaines de milliers de gallons de peinture latex multicolores ! Décédé aujourd’hui, Knight reste le plus célèbre des Slabbers. Une belle histoire… Knight est arrivé du Vermont dans la communauté de Slab City dans les années 80, avec une montgolfière comme remorque. À l’origine, son plan était d’utiliser Slab City comme base pour un voyage transcontinental en ballon ! N’ayant pas trouvé la solution pour faire voler son engin, il s’est définitivement posé ici à Slab City. Sa dévotion et l’amour inconditionnel qu’il a souhaité transmettre et partager ici, sont amplement à la hauteur de son premier projet et a inspiré de nombreux réalisateurs, comme Sean Penn dans Into the wil d et dans un autre genre, les autres résidents.
Le quartier annexe s’appelle ‘East Jesus’, en référence à Salvation Mountain. Il est tenu par un collectif artistique où les résidents exposent leurs propres sculptures et installation artistique : Plus de 200 artistes de 25 états différents sont déjà passés par ici ! J’y ai trouvé de véritables trésors ! La plupart des oeuvres sont imaginées, fabriquées à partir de matériaux recyclés ! Chacune des bicoques, des mobile-homes permanents ressemblent à des véhicules mutants venus d’un autre monde, d’un univers post-apocalyptique à la Madmax. De véritables Makers à la créativité no limit qui m’a profondément touchée. L’art du désert, un art unique entrepris par des personnes en marge de la société qui constitue l’attrait unique de cette communauté assoiffée de liberté absolue. L’atmosphère à la fois glauque et insolite, un poil ‘freaky’ disparaissent rapidement pour laisser place au lâcher-prise, à la curiosité et la découverte d’un espace hors du temps.
Comment s’y rendre ?
Bombay Beach se trouve à une heure au Sud Est de Palm Springs puis, comptez 20 miles pour rejoindre Slab City, soit 30 minutes de voiture.
*Tips* Slab City : Sur place, des résidents proposent un hébergement à louer à des prix relativement bas.
Merci Cécile pour ces superbes photos !! J’irai y dormir un jour..
Merci Jean, oui, je te souhaite d’y passer, c’est un endroit très inspirant ! 🙂